La plus togolaise des citoyens béninois du fait du
grand rôle qu’elle joue depuis plusieurs années dans le petit cercle
présidentiel du chef de l’Etat togolais Faure Gnassingbé, l’ancienne ministre de
la microfinance de Thomas Boni Yayi, Réckya Madougou, puisque c’est d’elle
qu’il s’agit, a fait une sortie fracassante il y a quelques jours, révélant une
forte implication du président togolais dans le retour de « l’exilé »
Patrice Talon au Benin en 2015. Une sortie qui suscite assez de polémiques et
de commentaires lorsqu’on sait que le président béninois Patrice Talon a boudé
les deux derniers sommets organisés par Faure Gnassingbé.
Réckya
Madougou serait-elle en mission commandée pour le président Faure Gnassingbé ?
En tout cas, ce qui est constant, c’est que l’actuelle conseillère béninoise à
la présidentielle togolaise, Madame Madougou a fait une sortie polémique aux
lendemains du premier sommet CEDEAO-CEEAC et du 53e sommet des chefs
d’Etat et Gouvernements de la CEDEAO dont l’hôte principal est le chef de
l’Etat togolais Faure Gnassingbé.
La
proximité de sa sortie médiatique quasi politique avec les deux « grandes »
rencontres continentales organisées par le pouvoir de Lomé où le président
béninois Patrice Talon s’est fait briller par son absence alors que Cotonou
reste la capitale la plus voisine de Lomé, tout cela laisse croire à plusieurs
personnes que Réckya Madougou est le canal par lequel son « nouveau
mentor » togolais, le président Faure Gnassingbé veut passer pour rendre à
Patrice Talon la monnaie de sa pièce, c’est-à-dire, lui payer pour avoir osé
bouder des rencontres que Lomé a organisé avec toutes les difficultés et
souffrances du monde.
En
effet, plusieurs de nos confrères béninois sont revenus sur les déclarations de
l’actuelle conseillère du Président Faure, Réckya Madougou qui accuse ouvertement
le Président Talon de bâtir un régime ethnocentriste dans lequel l’émancipation
de la femme n’est qu’un leurre. Aussi s’est-elle offert la latitude de rappeler
un souvenir intriguant au président béninois. Un fait qui suscite assez
d’interrogations.
Au cours d’un
atelier sur l’engagement des femmes en politique tenu à Cotonou au Benin, le 02
Août 2018, soit deux (02) jours après les récents Sommets de Lomé (la précision
mérite d’être faite), l’ancienne ministre de Yayi Boni n’en voulait pas plus
pour charger le président Patrice Talon. L’occasion fait le larron, alors Réckya
Madougou a précipitamment dressé un pont entre Lomé et Cotonou quand elle
évoquait le rôle qu’elle a joué pour rendre possible le retour au bercail de
l’homme d’affaires Patrice Talon contraint à l’exil par l’ancien président
Thomas Boni Yayi.
En la citant,
notre confrère beninwebtv.com
écrit : « … les deux problèmes que j’ai relevés dès le début, c’est le
sort réservé aux femmes et le repli ethnique. La réponse m’a davantage
fracassé, quand j’ai entendu le président (Patrice Talon, ndlr) lui-même
justifier son choix par le fait que faire la promotion de la femme, ce n’est
pas faire la promotion du mérite. J’ai failli l’appeler pour dire quand il a
fallu trouver une personne capable de te faire rentrer, il se fait comme par
hasard que c’est une femme ».
À tout Seigneur,
tout honneur, et en politique, il faut toujours être à l’affût des occasions ou
même de les forcer pour encenser son mentor et ainsi, l’on pourra continuer de
bénéficier de sa grâce. Madame Madougou n’a peut-être pas agi sur « instruction
personnelle du chef de l’Etat », mais elle sait que sans son intervention
et l’implication personnelle et forte du chef de l’Etat togolais Faure
Gnassingbé, l’homme d’affaires Patrice Talon moisira peut-être en Exil, et donc,
il ne sera pas l’actuel président du Benin.
Dans ses
confidences en présence de la presse béninoise, elle a fait une subtile révélation
qui porte à croire que le président togolais a bien aidé M. Talon à être
candidat au Benin pour le compte de l’élection présidentielle de 2016. M.
Patrice Talon doit presque à deux chefs d’Etat de la sous-région dont Faure Gnassingbé,
son grand pas dans la montée vers la magistrature suprême au Benin et, au nom
de la morale qui oblige à être toujours reconnaissant envers tous ceux qui vous
ont aidé ou qui vous aident dans la vie, l’actuel président béninois doit à
Faure Gnassingbé, obligation et soumission. C’est la réflexion qu’on peut bien
faire de cette sortie médiatique d’une personnalité mieux implantée dans le
cercle fermé de Faure Gnassingbé, ce dernier étant toujours en courroux contre
l’absence de son homologue béninois à Lomé.
Dans sa révélation
comme nous renseignent nos confrères du journal béninois, l’initiative du
retour en 2015 au Bénin de l’homme d’affaires Patrice Talon, selon Reckya
Madougou, a été prise et conduite par les président Faure Gnassingbé du Togo et
Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire qui étaient des facilitateurs pour cette
entreprise. Mais pour vaincre la résistance sinon l’intransigeance du président
Thomas Boni Yayi, il fallait trouver un intermédiaire en qui il faisait
confiance. C’est là que Reckya Madougou est entrée en jeu sur la sollicitation
des deux chefs d’Etats. Puis elle a raconté comment elle fut contrainte
nuitamment dans une période sensible où l’orage menaçait à prendre l’avion pour
la navette entre les deux chefs d’Etats facilitateurs de la réconciliation.
Elle a quitté Pya situé au nord-Togo où séjournaient Patrice Talon et son
épouse pour se rendre en Côte d’Ivoire pour les besoins de la cause, risquant
même sa vie dans cette délicate mission parce que son avion a failli crasher à
cause de l’intempérie due au mauvais temps. « … j’ai fait le tour.
L’avion a failli crasher ce jour-là.
J’ai laissé mes enfants pour le faire en pleine nuit », avait-elle
déclaré.
Intempérie mais
également résistance humaine n’ont pas rendu sa mission facile parce qu’au
début, le président Boni Yayi ne voulait rien entendre. Pour Thomas Yayi Boni,
Patrice Talon au Benin, pas question de l’entendre de cette oreille. Rappelons-nous
de l’histoire de tentative d’empoisonnement entre les deux hommes qui hier,
étaient de bons amis avant que l’inimitié ne soit véritablement installée. C’est
dire que la dissension et la distension étaient vraiment grandes. D’après
Reckya Madougou, le président Yayi avait même cessé de prendre l’appel de ses
homologues ivoirien et togolais. Il lui a fallu prendre par Rachelle Yayi,
fille du président Boni pour lui demander de l’aider à sortir d’affaire car
elle était sous une très forte pression. Grâce à Rachelle, elle a pu finalement
converser avec son président qui l’a autorisé à venir le voir. « J’ai
ensuite quitté le nord du Togo. J’ai pris l’avion ce jour-là. Je suis allée
voir le président Ouattara. Je lui ai rendu compte, » dixit Reckya
Madougou.
Au-delà de ce
qu’on peut qualifier de coups politiques de celle qui est depuis en froid avec son
président Patrice Talon, la révélation de la nouvelle amie du Président Faure renvoie
à une forme de communication politique pour le président togolais dont le nom est
bien coté dans le récit.
Il nous revient
qu’au plus fort temps de la crise sociopolitique au Togo, dans les coulisses
diplomatiques, le Président Talon a tenté de jouer à une médiation, envisageant
même de convaincre le chef de l’Etat togolais à renoncer de lui-même à une
nouvelle candidature en 2020. A l’instar des président Nana Akufo-Addo du Ghana
et Adama Barrow de la Gambie, Patrice Talon faisait partie de ces dirigeants
ouest-africains qui souhaitaient un engagement moral de la part de leur
homologue togolais Faure Gnassingbé à annoncer lui-même tôt ou tard, son
retrait du pouvoir en 2020. Devant le refus de certains dinosaures et autres dictateurs
africains qui épaulent le président togolais, nous apprend-on, le président
béninois a préféré boycotter les deux sommets CEDEAO-CEEAC organisés à Lomé où
il y venait souvent par voie terrestre. Une initiative qui n’est pas du goût du
pouvoir de Lomé qui aurait gardé dent contre M. Talon, car ces sommets ont
permis au Togo de Faure Gnassingbé de retrouver une certaine côte dans le
concert des nations.
Aujourd’hui, deux
jours seulement après la tenue desdits sommets de Lomé, la conseillère du
Président Faure, Reckya Madougou tente d’ameuter l’opinion que c’est Faure
Gnassingbé du Togo et son principal soutien de la sous-région Alassane Ouattara
de la Côte d’Ivoire qui ont aidé Patrice Talon dans sa quête du pouvoir. Cette
sortie devait paraitre comme une manière de prouver à tous l’ingratitude du
président béninois. Puisqu’en politique, chacun attend tout bonnement son
heure, la bonne heure pour prendre l’avantage, on comprend que l’équipe de Patrice
Talon sera aussi à l’affût des occasions ou de les forcer pour laver l’affront
subi.
Pour l’heure, la
guerre froide semble être bien observée, le prochain déclic saura mieux situer
les uns les autres.
Sylvestre BENI
Guerre froide entre Faure et Talon : Réckya Madougou, la perle de la discorde
