Elections locales : c’est un rendez-vous crucial,
très attendu depuis plusieurs décennies par les populations togolaises qui en
mettent la pression sur le gouvernement en vue de sa tenue. Aujourd’hui, du
moment où on en parle avec célérité, c’est alors une belle occasion pour les
communautés locales de se mobiliser pour prendre en mains la destinée de leur
localité, puisqu’elles auront enfin l’opportunité d’orienter elles-mêmes la
politique de développement de leur milieu. Seulement, les clivages politiques
entre le pouvoir togolais et la C14, concernant la question des réformes, risquent
d’influencer négativement le choix de la C14 et un second boycott des élections
sera synonyme d’un boulevard tracé pour le régime togolais.
« Pour nous, l’urgence réside aujourd’hui dans la
lutte du peuple togolais pour obtenir les réformes, nous permettant ainsi de
retrouver la Constitution de 1992, et l’effectivité du droit de vote de la
diaspora, avant toute élection ». Si vous en doutez, c’est bien la
position du PNP de Tikpi
Salifou Atchadam, une position d’ailleurs réitérée le 07 mars dernier par ce
parti au cours de la conférence de presse qu’il a organisé le Jeudi dernier à
son siège à Lomé. Le PNP se dit déterminé à poursuivre la lutte pacifique du
peuple togolais jusqu’à l’obtention desdites réformes.
La
même position est exprimée deux jours plus tôt par les leaders de l’ANC qui ont
vivement protesté contre le fait que le gouvernement togolais annonce une fois
encore des élections sans que n’aient été mises en œuvre les réformes
politiques et électorales que l’ensemble des populations togolaises appellent
de leurs vœux comme préalables à toute élection au Togo. « L’ANC exprime,
conséquemment, sa réprobation de la persistance du régime RPT/UNIR à conduire
les processus électoraux (au Togo, ndlr) en passant délibérément sous silence
la question primordiale des réformes prévues de longue date par l’APG (depuis
août 2006) et reprises entièrement par la feuille de route de la CEDEAO du 31
juillet 2018, ainsi que les décisions du Comité de suivi du 23 septembre 2018,
concernant notamment la CENI », lit-on dans un communiqué signé du
parti le 05 mars 2019.
Que
ce soit le CAR de Me Yawovi Agboyibo ou la CDPA de Brigitte Adjamagbo-Johnson
ou d’autres partis membres de la C14, ils estiment que la question des réformes
prime sur celle des élections. C’est d’ailleurs pour cette raison que les
partis d’opposition regroupés au sein de la C14 n’ont pas pris part aux
élections législatives du 20 décembre 2018.
Cette
unanimité qu’expriment les partis de la coalition concernant les réformes
politiques et électorales avant toute élection, conserve une logique dans la
lutte politique de la C14, vu que ces réformes étaient le point d’orgue des
revendications politiques depuis août 2017. Et ainsi, le gouvernement togolais
a intérêt à satisfaire sans condition à ces réclamations primaires des
populations si l’on veut éviter un avenir sombre pour le Togo.
Aussi
faut-il souligner qu’en adoptant lesdites réformes, le gouvernement togolais sera
alors conséquent envers lui-même et respectueux des aspirations du peuple
togolais qu’il estime lui avoir donné mandat d’agir en son nom, puisque c’est
le peuple qui exige les réformes. C’est presque inutile de rappeler qu’en 2015,
une enquête d’Afro-baromètre, réseau panafricain de recherche d’opinions
publiques, avait indiqué que 85% des Togolais souhaitent les réformes. Bien
plus, de la signature des 22 engagements à Bruxelles en 2004 par Gnassingbé
père au paraphe de l’APG en 2006 par Gnassingbé fils, ce dernier souscrivant aux
prescriptions de la CEDEAO en 2008, les réformes étaient peu ou prou
considérées comme l’une des solutions à la récurrente crise politique au Togo.
Cependant, vu les pesanteurs actuels avec un régime qui s’oppose à l’alternance
par tous les moyens, y compris par la violation massive des droits humains, les
partis d’opposition regroupés au sein de la C14, doivent recourir à la
plénitude de leur intelligence pour asseoir une stratégie qui prive le pouvoir
togolais de
se proroger. 2020 étant la ligne de mire, l’on doit commencer à poser les
jalons. Le meilleur stratège, c’est celui qui sait contourner les stratégies.
L’impératif d’une
participation au scrutin
Le
25 janvier 2019, au cours de la présentation de la politique générale du
gouvernement, le Premier ministre Sélom Klassou a exprimé devant les députés, que
tout est prêt pour la tenue des locales en cette année 2019.
Ainsi,
à moins
d’une situation exceptionnelle qui signifierait la fin du régime, pour l’heure,
l’on s’achemine vers la tenue de ces élections locales, notamment communales et
régionales. Mais, du fait des positions formulées par les partis d’opposition
sus cités, la C14 notamment, le risque d’un nouveau boycott des prochaines
élections, est tellement grand que l’on pourrait de se demander si, aussi
longtemps que les réformes politiques tant souhaitées ne sont pas faites par le
gouvernement, la C14 va-t-elle perdurer dans la logique de boycott des
élections y compris la présidentielle de 2020 ? Or, les peuples en lutte
pour l’alternance ont choisi l’échéance 2020 pour mettre UNIR dans le banc des
partis d’opposition.
Aujourd’hui,
il est important de croire qu’à un tel niveau de la lutte démocratique au Togo,
les élections locales sont d’une nécessité absolue pour l’enracinement de la
démocratie à la base. Bien qu’il s’agisse de l’esprit de gestion des
collectivités locales, ces élections ne doivent pas être analysées sous des
prismes strictement politiques, puisque cela fausserait les débats dans la
rupture avec la politique politicienne pour la promotion de la politique
citoyenne en ayant en ligne de mire, le développement de la nation et le
bien-être social des populations. C’est cette analyse que faisait il y a quelques
jours le président du mouvement « Bâtir le Togo », Me Jean Dégli,
lorsqu’il disait : « Il faut penser à ces élections en terme de citoyen togolais.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je soutiens fortement l’idée qu’au
niveau de ces élections, on ne met pas en avant les étiquettes politiques.
Qu’on laisse les étiquettes politiques de côté, que les gens se présentent
simplement comme des citoyens togolais même si on sait que l’appartenance
politique est derrière ».
Ceci
étant, la gestion des communautés locales qui est plus mise en valeur dans
l’organisation de cette élection, fait obligation à la C14 d’éviter de
commettre l’erreur de ne pas prendre part à ces échéances. L’accession de la
C14 (représentée par des citoyens à appartenance politique connue) à certains
postes clés de décision au sein de la République profitera énormément à la
lutte. Si dans la configuration actuelle, les maires et les présidents de
délégation spéciale qui sont nommés par le régime, font souvent le jeu du parti
au pouvoir en refusant de manière arbitraire dans certaines villes, les
manifestations de protestation contre le gouvernement, c’est comprendre que le
cliché sera différent dès que des maires proches de l’opposition seront élus. Il
faut préciser que devant une manifestation monstre des Togolais comme celle des
mois d’août et septembre 2017 mais qui aura un caractère vraiment national, le
régime togolais ne tiendra pas plus de deux jours au pouvoir. Alors les partis d’opposition
regroupés au sein de la C14 gagneraient en participant à ces élections. Il s’agira
également pour eux de priver le pouvoir togolais de certains circuits de
financement, tels que les fonds provenant de la gestion des collectivités
locales, dont les recettes de la mairie : gestion des marchés, les taxes, etc.
En
clair, ces locales sont d’une importance capitale dans le projet d’alternance
en 2020, et la C14 ne doit en aucun cas, rater l’occasion. Le régime togolais
est malin. Comme il l’a fait pour les législatives, il veut encore pousser la
coalition à la faute. Cette fois-ci, cette dernière se doit d’être plus
vigilante. La suite de la lutte en dépend.
Sylvestre BENI
Elections locales C14 : Attention au piège !
