Triste réalité sur le
continent africain, 60 ans après les indépendances, l’Afrique noire, puisque
c’est elle qui se fait plus distinguer, continue d’offrir un spectacle ahurissant
au reste du monde à travers la prise du pouvoir par les armes. Principale
motivation, mettre fin à la gestion chaotique et autocratique des États orchestrée
par ceux qui sont censés les conduire sur les sentiers de la démocratie. Ainsi,
après le coup d’État avorté au Gabon en 2019, le 18 août 2020, des officiers
supérieurs maliens ont, eux, réussi à déposer le président Ibrahim Boubacar
Keïta (IBK). Ce dernier étant depuis en difficulté avec une majeure partie de
son peuple réclamant sa démission, l’armée en a profité pour le faire
démissionner. Une situation diversement appréciée sur le continent africain qui,
si les choses restent en l’état, ne vit certainement pas, son dernier coup
d’État, et pour cause !
« L’histoire
avance toujours par le mauvais côté », disait Hegel, le philosophe allemand. Pour renchérir,
les peuples africains diront par cette alliance de mots : « nous
avançons à reculons ». En effet, sur les soixante-dix (70)
dernières années, plus de deux-cent (200) coups d’État ont été enregistrés en
Afrique avec des conséquences aussi dramatiques que chaotiques pour la stabilité sociopolitique et le
développement des nations.
Plus grave, la dimension que
prend la situation tendant vers sa répétition et ainsi, vers sa banalisation,
inquiète plus d’un et, à cette allure, le continent risque de faire un bond
vers le passé noir de l’histoire africaine, où la prise d’armes, reste le moyen
le plus efficace, quoique dangereux, pour parvenir au sommet de l’État. « Le
temps des coups d’État en Afrique est révolu ». En dépit de cette
rengaine des chefs d’États africains, rien ne
laisse présager sa cessation, au contraire ! Car, les efforts suffisants
qui doivent être faits par les mêmes chefs d’États pour clôturer définitivement
le chapitre des coups d’État en Afrique, ces efforts donc, peinent jusqu’alors
à prendre corps.
Le 18 août 2020, comme un air de
déjà-vu, et effectivement, c’est du déjà-vu, le Mali, l’un des quinze (15)
États membres de la CEDEAO, Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest,
offre pour la 4e fois de son histoire, un coup d’État à l’Afrique et
au reste du monde. Comme son prédécesseur Amadou Toumani Touré, IBK, le
président malien a été déposé par une junte militaire qui a pris les rênes du
pouvoir, rassurant de le transférer aux civils pour une transition politique et
démocratique. Les arguments avancés par les militaires pour justifier leur
irruption sur le théâtre politique, ne sont que la vitrine des revendications
formulées par les populations maliennes longtemps restées dans la rue pour
dénoncer la corruption, la concussion, la gabegie, le népotisme et le
clientélisme… qui entourent cette gestion clanique, chaotique et autocratique
du pouvoir d’État.
Contrairement à ce qui devrait
susciter une condamnation unanime à l’ère du millénaire, le coup d’État malien, le nième sur le continent
africain, active et attise la convoitise, vu que dans d’autres nations africaines,
les uns en rêvent tandis que les autres prophétisent la même humiliation éprouvée
par le président Ibrahim Boubacar Keïta à plusieurs chefs d’État. Les raisons
d’une telle posture sont multiples mais se soldent par la multiplication de la
démocrature sur le continent, spécialement dans l’espace CEDEAO après l’époque
de la dictature, la dure.
Coup d’État, un rêve, une solution…
IBK en mauvaise passe, l’ire des
uns, fait sourire les autres, car sur le continent, depuis plusieurs décennies,
la fréquence des coups d’État reste consécutive à l’exaspération des
populations face aux manières désinvoltes des présidents qui s’imposent à leur
population dans le déni de la démocratie. Pis, nonobstant leur gestion hasardeuse
et calamiteuse des nations, ceux-ci s’accrochent au fauteuil présidentiel avec
une volonté manifeste de ne jamais le libérer. Bien évidemment, les peuples ne se
lassent de dénoncer ces attitudes surannées, parfois au péril de leur vie car,
face à la montée de la révolte populaire, ces chefs d’États marchent sans coup férir
sur les mouvements, histoire de sauvegarder leur pouvoir au prix du sang. Alors,
devant une telle situation, l’intervention de l’armée pour les
« dégager » a toujours été saluée par les populations qui y voient un
« coup d’État démocratique » pour le salut du peuple. Au Soudan, la
rue chantait fièrement : « une armée, un peuple ».
C’était après la chute du président Omar el-Béchir, « dégagé » par
l’armée.
Ainsi, dans toute l’Afrique, au
Madagascar, au Zimbabwe, au Burundi, au Gabon ou dans l’espace CEDEAO avec la
Guinée, le Niger,
le Burkina Faso, la
Gambie et récemment le Mali…, en se lançant dans son
expédition, l’armée se défend dans ce qu’elle croit être la restauration de la
démocratie souhaitée par le peuple souverain. Ce peuple qui dans son cri de
détresse à l’endroit des corps habillés, ne manque jamais de leur rappeler qu’ils
vivent avec eux la même tragédie et donc, ils doivent agir pour la faire
arrêter.
Au Togo, au temps fort de la
crise d’août 2017 impulsée par le PNP de Tikpi Atchadam, ce dernier fit cette
observation : « C’est
le moment ou jamais pour le piquet, armée et forces de sécurité, de se rendre à
l’évidence qu’il est lié par la même corde au mouton attaché, le peuple. Quel
que soit le discours de l’éleveur, le piquet et le mouton restent liés par le
même destin étant donné qu’ils ont la même corde au cou. C’est pourquoi, la
stratégie du pouvoir (tendant à monter l’armée contre les populations civiles,
ndlr), rappelle la démarche du bourreau qui oppose ses victimes. Le peuple l’a
compris très tôt et il attend la même compréhension de la part de l’armée et
des forces de sécurité ».
Même si partout sur le continent,
l’envie reste dissimulée en des termes qui ne se ferment pas trop à la
compréhension, il y a lieu de croire à la volonté ou au souhait des peuples
suppliciés de transformer le rêve des dictateurs en de véritables cauchemars
par les forces armées, afin que les peuples puissent s’exalter à travers les merveilles
de la démocratie.
L’image de la liesse populaire, cette
ferveur générale observée le 18 août 2020 au Mali et bien avant au Soudan et au
Zimbabwe, où les populations applaudissaient à tout rompre les forces armées et
communiant passionnément avec elles à la suite du coup d’État, reste un moment particulier
que ni les Gabonais, ni les Guinéens, encore moins les Togolais ne se
priveraient de vivre. « Comme au
Zimbabwe, où militaires et civils jubilent ensemble suite à la nouvelle donne
politique dans le pays, j’ai rêvé en voyant les images du Zimbabwe que la même
situation se présentera au Togo. Ce jour-là viendra où les forces de l’ordre et
les civils marcheront ensemble dans les rues… nous voulons demander aux forces
armées de se joindre à nous pour poursuivre ensemble la lutte que nous sommes
en train de mener, car nous partageons les mêmes aspirations et les mêmes
peines, » déclarait Brigitte Adjamagbo,
à l’époque de la C14.
L’enjeu reste de marbre. Primo, finir
définitivement avec les dictateurs sur le continent, notamment ce syndicat des
chefs d’États qui se soutiennent infailliblement dans leur rêve de ne jamais
quitter le pouvoir en dépit de multiples contestations puis, secundo, engager
les pays africains sur la voie du développement, la stabilité et la prospérité
pour le plus grand bonheur des citoyens.
« Il devient nécessaire, voire impératif
d’adopter une solution pour sortir de la crise, qui répond aux revendications
légitimes du peuple algérien ». Ce sont là les termes du général Ahmed
Gaïd Salah, patron de l’armée algérienne, celui qui avait pourtant promis au
président Bouteflika de l’amener vers un cinquième mandat. Mais, devant la pression
de la rue, des milliers d’algériens qui sont vent debout contre un cinquième
mandat de Bouteflika, le général Gaïd a dû faire ce que tout le monde attendait
de lui : un arbitrage.
Seulement, jusqu’à quand le
continent africain cessera-t-il d’envoyer au reste du monde, l’image des êtres primitifs
qui ne peuvent régler les vices de la gouvernance que par les armes ? Après des années d’apprentissage de la démocratie, la réalité africaine
peine à trancher avec les États d’exception connus avant et peu après les
indépendances où tout se réglait par le glaive. La léthargie observée, se
soldant le plus souvent par la démocratie des treillis, n’est-elle pas la faute
des forces armées qui comme toujours, s’improvisent en arbitre pour siffler la
fin des hostilités entre les peuples et leurs dirigeants ? ou, ces
derniers, ne sont-ils plutôt la véritable plaie d’une Afrique qui cherche
encore des repères démocratiques pour enfin se lancer ?
« L’Afrique n’est pas mûre pour la
démocratie »,
dixit Jacques Chirac en 1990. Trente ans plus tard, le constat est très déplorable.
L’Afrique doit-elle retourner à la démocratie des empires et royaumes pour
mieux se retrouver ? La question demeure…
Coup d’État : un peuple, un rêve, une solution…
