A environ six (06) mois des élections présidentielles au
Togo, l’heure est à la réflexion au niveau de chaque état-major des partis
d’opposition. Quelle peut être la meilleure formule, meilleure stratégie pour enfin
réaliser l’alternance en 2020 ? Les réflexions se poursuivent. Mais
s’agissant de l’espoir d’une candidature unique, tout s’est envolé ces
dernières heures du fait de l’inimitié qui s’est installée entre les différents
acteurs, les amis d’hier de la C14, et la fin des profondes divisions sur le
sujet n’est pas pour demain. Alors, pour l’opposition, certains pensent à une
« candidature concertée » pour avancer.
« Nous sommes tous d'accord qu'il faut se battre
pour avoir des institutions électorales crédibles. Mais est-ce qu'à défaut de
cela, l'opposition démocratique doit boycotter la présidentielle de 2020 ?
Si la réponse est NON, est ce que l'opposition démocratique aura plus de chance
de succès en présentant plusieurs candidats ? La réponse est, sans
ambages, NON, d'où l'importance de la candidature unique, » a déclaré Kohan
Kidékiyime Binafame, l’un des cadres des Forces Démocratiques pour la
République (FDR), parti de Me Paul Dodji Apévon. Dans sa réflexion, M. Binafame
a invité les partisans du changement à ne pas céder à la démobilisation tant
recherchée par le régime en place pour pouvoir organiser les fraudes sans
lesquelles, il tombe indéniablement. Alors, il conclut en ces termes : « Si
au niveau de l'opposition, nous mettons, un tant soit peu, un bémol sur nos
ambitions personnelles pour constituer, de manière sincère, un bloc solide
contre le pouvoir, l'alternance est plus que possible en 2020. Une élection
réserve toujours des incertitudes. Approprions-nous cette exhortation de
Winston Churchill à ses compatriotes, lors de la seconde guerre mondiale: '' Ne
renoncez jamais ! Ne renoncez jamais ! Ne renoncez
jamais ! ».
Sur
la forme, ce cadre des FDR n’a pas du tout tort en tentant de maintenir la
flamme de la mobilisation, de rassembler autour d’un idéal commun, tous ceux
qui aspirent à l'alternance et au changement. C’est un grand désir, et ce
serait un réel plaisir pour tous les fils et filles du Togo, partisans du
changement, de voir leurs leaders se reprendre pour ensemble continuer la
lutte. Cependant, sur le fond, ce serait un cliché de malhonnêteté et surtout d’hypocrisie
en croyant que les plaies aussi béantes que profondes observées dans les rangs
de l'opposition, peuvent être cicatrisées dans un temps relativement court et
que, bras dessus, bras dessous, les ennemis d’hier feront miraculeusement table
rase du passé, faire abstraction de tout, et recommencer à nouveau et à zéro
comme si de rien n’était. Faut-il le rappeler, l’échec de la tentative de
réconciliation initiée par l’archevêque émérite de Lomé, Mgr. Philipe Fanoko
Kpodzro en dit long sur la complexité de ce dossier de réconciliation des
dirigeants de l’opposition. Or, le Togo est à six (06) mois des élections
présidentielles de 2020. Que faire ?
C’est
vrai que l’union fait la force. Mais, une union de façade, c’est-à-dire fondée
sur du sable mouvant, est un exercice très dangereux qu’il faille à tout prix
déconseiller à ceux qui veulent l’expérimenter. Car, elle peut se retourner
contre tous ceux qui la portent comme thèse. Alors, eu égard aux conditions
actuelles qui attestent du profond malaise au sein de l’opposition, ne
serait-il pas plus réfléchi de penser à autre chose pour maintenir toutes les
chances de réaliser l’alternance ? C’est là que d’aucuns misent sur une
candidature concertée en remplacement de la candidature unique qui a déjà
montré ses limites.
Candidatures concertées…
Tous
les leaders de l'opposition aspirent à l'alternance et au changement. Du moins,
c’est ce qui est quotidiennement servi à la nation. Or, tout changement nécessite
un réel engagement politique et patriotique. Alors, à défaut de faire comme les
autres, de porter ou de soutenir les autres dans leur conception ou
appréhension de la lutte démocratique pour le changement, chacun doit, au moins,
faire sa part. C’est pour cela que pour les élections présidentielles de 2020, chacun doit
y mettre du sien.
C’est
une vérité absolue que chaque leader de l'opposition croit avoir la solution
pour mettre Faure Gnassingbé, probable candidat du pouvoir togolais en
difficulté lors de ces élections. Dans ce cas, que chacun le prouve. Pour
l’heure, à la solution individuelle, l’on peut adjoindre une autre collective,
mais pour le même résultat. La logique est qu’individuellement, chacun se sente
vraiment libre de compétir en 2020 pour lui, mais aussi pour la masse, donc
pour le Togo : c’est le vrai patriotisme. C’est dire que comme les
élections au Togo, c’est aussi une affaire de personne et de fief, la
candidature concertée dans ce cas, suppose que de manière concertée, les
candidats de l'opposition se positionnent en déployant plus d’énergie dans leur
fief. Le résultat poursuivi est, en effet, d’émietter considérablement les voix
du candidat du pouvoir et le contraindre ou le pousser à un second tour du
scrutin. Là, la candidature unique de l'opposition s’imposera d’elle-même. Aujourd’hui, cette logique
semble être partagée par plusieurs leaders de l'opposition, entre autres Me
Yawovi Agboyibo du CAR, Jean-Pierre Fabre de l’ANC et le Professeur Komi Wolou du PSR.
Le
schéma tel qu’il est imaginé dans sa conception, peut paraître aux yeux de
certains, un vote régionaliste, sauf qu’il est plutôt stratégique pour
l’opposition démocratique. Ne dit-on pas que c’est la fin qui justifie les moyens ?
Dans sa matérialisation, il s’agira pour l’opposition de faire un bon maillage
du territoire par des positionnements stratégiques.
Prenons
les élections législatives du 14 octobre 2007, cet exercice électoral considéré
et accepté comme un scrutin plus ou moins crédible au Togo, encore que
l’histoire des élections au Togo souffre toujours d’un repère crédible dû à l’absence
des sentiers démocratiques. Qu’à cela ne tienne, les législatives du 14 octobre
2007 prouvent à suffisance que mieux organiser, l’opposition peut en 2020,
réaliser l’alternance et le changement tant souhaités par le peuple.
L’analyse
des résultats de 2007 montre que dans la région des Savanes, le régime togolais ne dépasse pas
légèrement en termes de pourcentage, l’ensemble des partis d’opposition. Le RPT
devenu UNIR, a obtenu 57% des suffrages exprimés contre 43 pour l’opposition
réunie. Dans la région de la Kara, le parti présidentiel a englouti
l’opposition sur un score de 75% contre 25. Dans la région centrale, l’on
découvre quasiment le même schéma. Près de 70% pour le parti au pouvoir et 30
pour les forces démocratiques. Par contre, dans la région des plateaux, même si
le RPT résiste, il est quand même derrière l’opposition, battu 57 contre 43.
Mais dans la région maritime, les partisans du changement ont littéralement
écrasé les prisonniers de l’autocratie sur le score sans appel de 85% contre
15. Une autre analyse qu’on peut bien faire, d’ailleurs c’est apparent, le Togo
montre un pays divisé entre le nord et le sud. Le nord vote les personnes qui
sont du nord, (clan Gnassingbé et préposés), et le sud prend fait et cause pour
les candidats issus des milieux du sud. Le vote ethnique est donc plus observé
au Togo.
Aujourd’hui,
rien n’est plus comme avant. « Vous avez réussi à briser ce que nous
appelons le cercle de la division de la famille Gnassingbé. La vraie fausse
question nord-sud est totalement discréditée », fait noter Tikpi
Atchadam, le leader du PNP dans son discours anniversaire le 19 août 2018. Alors
le masque nord-sud est-il tombé le 19 août 2017 ? Ce qui est constant, c’est que l’opposition et ses
candidats stratégiques positionnés sur l’ensemble du territoire national, peuvent
se fonder sur les cendres de cette conception du vote de personne et de fiel pour
réaliser un coup parfait. Émietter les voix du candidat du
pouvoir et le pousser à un second tour du scrutin pour le gagner. Une solution
qui permet de résoudre le problème de la candidature unique et de la candidature
concertée ou stratégique, selon l’appellation des uns et des autres. Parce que
la jonction des deux types de candidatures voulues, aurait alors permis le
résultat escompté. C’est dire qu’en toute chose, il faut considérer la fin.
C’est l’essentiel.
Sylvestre BENI
Candidatures concertées : Alternative crédible pour l’alternance en 2020
